Critique d'Annette : Une nuit surréaliste à l'opéra avec Sparks
Notre avis
Une vision artistique si spécifique qu'elle peut devenir plus intéressante pour son caractère étranger que pour la façon dont elle souhaite s'engager émotionnellement avec vous.
Pour
- 🎶 La création d'un nouvel opéra moderne pour écran n'est pas une mince affaire.
- 🎶 L'humour absurde, marque de fabrique de Sparks, est bien présent.
- 🎶 Adam Driver se jette entièrement dans une performance extrêmement engageante.
Contre
- 🎶 Le rythme souffre en première mi-temps.
- 🎶 Les personnages féminins sont mis à l'écart et objectivés au profit d'une dramatisation de la possessivité masculine toxique.
- 🎶 L'ensemble du film est si spécifique dans ses sensibilités musicales, comiques et visuelles qu'il est intrinsèquement aliénant pour la plupart des téléspectateurs.
Anette est certainement l'un des films les plus spécifiquement idiosyncrasiques à sortir cette année. En tant que collaboration entre le réalisateur Leos Carax et le duo pop culte Sparks (Russell et Ron Mael), il est difficile d'imaginer ce film comme autre chose, une indulgence totalement non commerciale par une paire de musiciens cinéphiles qui ont basé leur carrière sur la marche vers leur propre battre quel que soit le succès grand public sur lequel ils peuvent tomber par inadvertance, rendu possible par un cinéaste également connu pour ses propres excentricités. Mais appeler Anette non commercial n'est pas la même chose que de l'appeler sans succès. Il est à peu près certain que les frères Mael ont fini par faire exactement le film qu'ils avaient prévu, des touches absurdes et des subtilités musicales et tout. La vraie question est de savoir si ce succès se traduit par un film qui trouvera un public.
Appeler Anette une comédie musicale ne rendrait pas service à ce qui devrait être plus justement présenté comme un opéra, avec des personnages qui entrent et sortent de la chanson sans trop prêter attention à la viabilité de chaque piste en tant que single de la bande originale. Cela agit comme un vaisseau approprié pour le haut mélodrame de la romance éclair entre Henry McHenry (Adam Driver), un humoriste grossier dont la célébrité menace de tomber aussi vite qu'elle est montée, et Ann (Marion Cotillard), une chanteuse d'opéra dont sa propre renommée ne fait que croître alors qu'elle continue de mourir sur scène pour applaudir le public. Alors qu'Henry commence à sombrer dans le désespoir et l'alcoolisme, Ann commence à craindre pour leur relation et la sécurité de leur fille Annette, un bébé représenté par une marionnette évidente.
Bien que la partition intégrée à l'intrigue ne soit pas dépourvue de motifs accrocheurs, la musique est avant tout un mode de transmission d'une émotion accrue. Alors qu'Henry gesticule sauvagement sur scène pour un public qui rit en rythme, il devient évident qu'il ne se régale pas autant avec les blagues qu'il expose l'obscurité de sa propre haine de soi. Anette n'est pas sans le sens de l'humour ironique caractéristique de Sparks, comme lorsqu'une narration d'ouverture dit au public que la respiration ne sera pas tolérée au théâtre, ou quand Henry et Ann passent des minutes à chanter les paroles Nous nous aimons tellement sur répéter seulement pour aboutir à une scène de cunnilingus alors que les deux chantent toujours leur ode banale l'un à l'autre, mais le cœur du film utilise l'absurdité et la surréalité cuites de l'opéra pour raconter une histoire très sombre de l'ego masculin et de l'autodestruction .
Cela donne à Adam Driver un rôle plutôt charnu dans lequel se mordre les dents, et il chante et se débat à travers l'agitation émotionnelle en modulant entre une douce contemplation et une théâtralité à mâcher des paysages. On ne peut pas en dire autant de Marion Cotillard, qui est reléguée à un rôle qui reflète les opéras que son personnage interprète avec spécificité mais sans trop de commentaires. Elle devient mise à l'écart, bien que de manière contextuellement intéressante et visuellement saisissante, mais n'est finalement pas un personnage que le film souhaite explorer, et Annette n'est pas non plus traitée comme l'accessoire littéral qu'elle est. C'est un point évident du récit du film, dépeignant Henry comme tellement enveloppé dans ses névroses que sa propre fille est considérée comme une poupée à posséder, mais cela laisse toujours le film entièrement limité à une perspective masculine toxique même s'il met en évidence comment cet ego est destructeur pour les femmes qu'il aime. Cela contraste avec un personnage de soutien décidément non toxique dans la seconde moitié, joué par Simon Helberg, alors que le récit fait des progrès délibérés pour centrer Henry en tant que méchant de sa propre histoire, le film manque décidément de presque toute agence féminine jusqu'à la scène finale, où la perspective féminine vieillit littéralement de l'infantilisation.
Sur le moment, Anette est un exercice fascinant de sensibilités très spécifiques mises à l'écran. Il se penche plutôt fortement sur la portée de l'opéra à une durée d'exécution lourde de deux heures et dix-neuf minutes, avec pour résultat le rythme redondant de la première mi-temps, mais une fois que l'incident incitatif de la seconde mi-temps se produit et que l'attention se déplace vers le personnage principal, le surréaliste fantasia s'installe dans quelque chose de plus digeste et de moins sans but. C'est loin d'être déséquilibré, comme en témoignent les articulations clairement visibles d'Annette, pimentant l'esprit sardonique et sarcastique de Russell et Ron Mael dans la tradition du grand opéra avec leur plus proche approximation de la sincérité complète. Les fans de longue date de Sparks trouveront presque certainement ce travail en ligne avec, sinon le point culminant de leur carrière dans la musique pop, et même s'il semble délibérément aliénant lors du premier visionnage, il est facile de voir le film gagner en attrait culte après de multiples rewatch comme la spécificité des décors musicaux et des motifs visuels absurdes deviennent familiers. Mais c'est aussi une vision artistique si spécifique qu'elle peut devenir plus intéressante pour son caractère étranger que pour la façon dont elle souhaite s'engager émotionnellement avec vous. Certains pourraient considérer cela comme un défaut fatal pour un grand mélodrame. Pour les frères Mael, c'est une fonctionnalité avec laquelle vous devez communier ou être déconcerté.
Anette ouvre en salles le 6 août 2021 et en première sur Amazon Prime le 20 août 2021.
